LES TOILETTES : QUAND LA SUISSE POURRAIT S'INSPIRER DU SÉNÉGAL
Le 19 novembre est la Journée mondiale des toilettes, dont l'objectif est de rappeler la crise sanitaire qui sévit à l'échelle planétaire. En effet, à ce jour, 4,2 milliards de personnes vivent sans installation sanitaire dans leur quotidien et l’assainissement est longtemps resté le parent pauvre des investissements dans de nombreux pays. Notre Journée des partenariats pour le développement durable du 26 septembre passé a démontré qu'à travers un partage des savoirs entre le Sud et la Suisse, nous pouvons faire plus en termes d'innovation, en Suisse aussi.
La Suisse est héritière d’un système historique du « tout à l'égout ». En raison des énormes investissement financiers consentis depuis des décennies et de son cadre légal obligatoire, ce système a peu évolué. Est-ce vraiment le seul système imaginable ? Est-il véritablement durable, propre, et efficient pour chaque contexte ? Laboratoire en matière d’assainissement, le Sénégal teste actuellement des systèmes alternatifs autonomes comme la toilette non connectée et une petite STEP qui génèrent énergie et ressources, jusqu’à de l’eau potable.
« Les solutions développées au Sud ne doivent pas être vues comme des 'solutions pour les pauvres' »
Seydou Niang, Université de Dakar
Prioritairement conçus pour évacuer les eaux usées et améliorer la santé humaine, les systèmes d’assainissement n'intègrent pas suffisamment les besoins et limites de l'environnement. Aujourd'hui, une gestion intégrée des ressources en eau signifie aborder la question de manière circulaire : pour avoir une eau potable et exempte de polluants ou de micropolluants, il faut non seulement la traiter, mais également protéger les ressources en amont. Au-delà des solutions techniques, il s'agit aussi d'élargir notre champ de réflexion : "Tout ce que nous ne mettons pas dans l'eau en amont, ne devra pas être traité, souligne Seydou Niang, directeur du Laboratoire de traitement des eaux usées de l'Université de Dakar, notamment en référence aux résidus médicamenteux. Nous devons mieux prendre conscience de cette circularité : en donnant un meilleur accès à de l'eau potable, on augmente également le rejet d'eau, ce qui peut être très problématique au niveau environnemental, comme le montre l'exemple de Dakar où les inondations de quartiers se succèdent. Un plaidoyer pour une réflexion globale et la mise en place de systèmes de gouvernance où les liens entre gestion de l'eau, de l'assainissement et protection environnementale seraient mieux pris en compte.
LES EAUX-USÉES SONT UNE RESSOURCE GASPILLÉE
Un second message fort est ressorti de cette journée : il est temps de penser l'assainissement en termes de ressources. En effet, les matières fécales ont un potentiel considérable sur le plan agronomique et énergétique, par exemple du carbone et phosphore qu’elles contiennent. La Suisse est clairement moins avancée dans leur recyclage. Or, il se trouve que cette économie circulaire est plus présente actuellement dans des pays où les systèmes d'assainissement se sont développés plus tard, note Agnès Montangero, responsable du département Eau et infrastructure d'Helvetas. Par exemple pour développer une agriculture périurbaine qui permet d’alimenter les populations citadines. Le défi actuel, note Sylvain Rodriguez, directeur de la Direction vaudoise de l'environnement industriel urbain et rural, est de mettre en place une filière industrielle en partenariat avec des entreprises.
ET EN SUISSE, UNE ALTERNATIVE EST-ELLE POSSIBLE ?
Le choix du système en Suisse est limité par les contraintes du cadre légal. Si des alternatives se concrétisent petit-à-petit en Suisse, elles doivent leur faisabilité légale à leur caractère de « projet pilote ». A l’instar de la coopérative Equilibre à Genève qui équipé des immeubles de plusieurs modèles de toilettes non-connectées aux réseaux d’égout dans des nouveaux éco-quartiers, notamment avec des lombri-compost en pied d’immeuble; ou encore à travers les partenariats innovants entre forestiers et distributeurs de Je filtre, tu bois, dans la région de la Côte. Aujourd’hui, la mise à disposition de normes sur les toilettes du futur (ISO 30500), les stations de traitement des boues fécales (ISO DIS 31800) ainsi que sur la gestion du service (ISO 24521) constitue une offre d’outils pertinents pour faire évoluer favorablement le cadre légal afin d’atteindre les Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030.
Toutefois en Suisse où le réseau centralisé est fonctionnel, il ne s'agit pas de tout remettre en cause pour installer des systèmes autonomes ou non connectés au réseau, relève Olivier Chaix, vice-président de l’association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA). Ces solutions sont par contre tout à fait adaptées dans des situations où la collecte centralisée s'avère difficile ou pour de nouvelles constructions comme les éco-quartiers.
LA RTS EN PARLE
Notre collègue, Anne Gueye Girardet, était l'invitée de l'émission Forum de la RTS le 1er octobre 2019, afin de discuter des bonnes pratiques du Sud dont peut s'inspirer la Suisse en matière d'assainissement.
L'émission du matin "Tout un monde" de la RTS revenait également sur cette thématique le 31 octobre 2019 en se demandant ce qui advenait des eaux usées en Suisse.
Retrouvez le document spécial RTS "Les excréments humains, une économie cachée" qui revient sur la gestion des eaux usées dans la région lausannoise, mais également sur les inégalités dans le monde face à l'accès à l'eau potable et des conséquences dramatiques qui en découlent.
Plusieurs organisations membres de la Fedevaco travaillent sur ces thématiques et mènent des projets de qualité afin d'améliorer l'accès à l'eau potable et l'assainissement. Retrouvez les projets en quête de co-financement en lien avec ces thématiques en consultant notre page projets.